Grand frère, Mahir Guven

Quatrième de couverture :

« La vie ? J’ai appris à la tutoyer en m’approchant de la mort. Je flirte avec l’une, en pensant à l’autre. Tout le temps, depuis que l’autre chien, mon sang, ma chair, mon frère, est parti loin, là-bas, sur la terre des fous et des cinglés. Là où pour une cigarette grillée, on te sabre la tête. En Terre sainte. Dans le monde des gens normaux, on dit  » en Syrie ‘, avec une voix étouffée et le regard grave, comme si on parlait de l’enfer. Le départ du petit frère, ça a démoli le daron. »

Grand frère est chauffeur de VTC. Enfermé onze heures par jour dans sa  » carlingue « , branché en permanence sur la radio, il rumine sur sa vie et le monde qui s’offre à lui de l’autre côté du pare-brise.
Petit frère est parti par idéalisme en Syrie depuis de nombreux mois. Engagé comme infirmier par une organisation humanitaire musulmane, il ne donne plus aucune nouvelle.
Ce silence ronge son père et son frère, suspendus à la question restée sans réponse : pourquoi est-il parti ?
Un soir, l’interphone sonne. Petit frère est de retour.

L’avis de MadameOurse :

De cette sélection d’avril pour le Prix des lecteurs du Livre de Poche, j’ai commencé de nouveau ma lecture par celui qui me tentait le moins. La thématique traitée ne m’attirait pas spécialement et le prix Goncourt du premier roman ne m’encourageait pas forcément plus à le découvrir.

Et pourtant c’est une lecture qui m’a surprise. On pourrait croire en l’ouvrant que tout y est déjà tracé. Et puis non. Et puis si. Et puis non ? Bref, l’auteur brouille les frontières. C’est Grand frère ici qui raconte sa vie. Fils d’immigré syrien, né en France, famille musulmane non pratiquante (ce qui en fait une originalité parmi les autres familles des cités), élevés par un père veuf qui croit en l’avenir de ses fils. Petit frère est au cœur du roman et prendra la parole aussi lors de certains chapitres. Les deux frères grandissent dans un entre deux que l’auteur nous explique bien : il est difficile de s’extraire des cités, de ne pas sombrer dans la facilité qui est devenue la norme là bas et qui leur tend les bras. Comment devenir quelqu’un ? Comment amener la fierté dans les yeux de leur père ? Comment prouver au monde qui a tendance si vite à les cataloguer sans jamais leur laisser leur chance qu’ils ne sont pas moins capables ?

Après quelques incartades, Grand frère est chauffeur de VTC (la honte pour leur père qui avait sa licence de taxi). Petit frère lui est parti du jour au lendemain, sans rien dire. Ni le père ni le frère ne savent où il est. La police s’en mêle, convocations, interrogatoires. Il est évident que le petit frère est parti en Syrie, la terre de leurs ancêtres, pays étroitement surveillé par ses liens avec le terrorisme. Nous lecteurs, on sait, parce que petit frère nous raconte. On est transportés là bas, on y découvre pourquoi et quel est son quotidien.

Puis petit frère revient. Mais on ne revient pas de Syrie, ce n’est pas possible, les forces de l’ordre ne peuvent pas vous laisser revenir de là bas, comme si de rien n’était. Alors, que faire ? Fuir ? Apporter les preuves nécessaires ? C’est soudés que les deux frères feront face. Et le lecteur est alors plongé dans quelques nouveaux rebondissements qui, une fois de plus, nous font douter.

L’histoire va bien plus loin que ce à quoi je m’attendais et c’est une bonne surprise. L’immersion est réussie, servie jusqu’au bout par un langage des cités très présent et qui m’a fait hésiter plusieurs fois dans ma lecture tant ce vocabulaire m’est inconnu (rassurez-vous, il y a un glossaire pour nous aider !).

Ma notation :

Une lecture à l’opposé de mes habitudes. Qui est enrichissante et surprenante parce que rien n’est tracé d’avance et que l’auteur sait nous surprendre.

Un commentaire sur « Grand frère, Mahir Guven »

A vos claviers !