[Duo lecture] Nettleton state village pour femmes faibles d’esprit en âge de procréer, Ann Leary

Pourquoi ce livre :

(Audrey) J’aime assez les romans qui traitent des maladies psychiques, et connaissant la qualité des parutions Faubourg Marigny, j’avais très envie de découvrir ce roman.

(Laure) L’internement de femmes en âge de procréer m’a suffi pour avoir envie de lire ce roman, je me doutais qu’il allait forcément évoquer la condition des femmes dans le passé. 

La couverture :

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(Laure) Elle est très belle cette couv et, après lecture, les coloris évoquent beaucoup l’ambiance que j’ai ressenti à la lecture du roman.

(Audrey) Une couverture qui met en lumière le coté sombre de ce qui se cache derrière les grilles du village. Très intrigant !

 

La quatrième de couverture :

1927, Pennsylvanie. Mary Engle, 18 ans, est embauchée pour travailler dans une clinique pour femmes handicapées mentales, le célèbre Nettleton State Village pour femmes faibles d’esprit en âge de procréer. L’établissement est moderne, et ne ressemble en aucun cas aux asiles sombres et miteux qu’elle avait imaginés. Elle se fait rapidement des amis parmi le personnel, et passe ses week-ends à faire des rencontres, sortir, danser, entre deux rendez-vous avec un séduisant journaliste. Plus que tout, Mary adore son travail. Elle est admirative devant sa directrice, la belle et distinguée Dr Agnes Vogel, dont elle ne cesse d’admirer son dévouement envers les centaines de patientes à sa charge. Jusqu’à ce qu’un jour, Mary reconnaisse, parmi ces femmes « faibles d’esprit », Lillian Faust, une de ses amies avec qui elle a grandi à l’orphelinat de Scranton.

Après lecture :

(Audrey) Mary est une jeune femme seule, sans vraiment de famille, elle a grandi dans un orphelinat, voyant très peu son père. Elle n’a que 18 ans, peu d’expérience et pourtant elle va être engagée par le Dr Agnès Vogel comme secrétaire. La jeune femme est vraiment impressionnée par cette femme, pleine de prestance et qui dirige un établissement pour femmes  faibles d’esprit ou débiles comme on disait en ce début du 2Oéme siècle. 

Elle va bientôt reconnaitre une ancienne camarade d’orphelinat, Lilian. Mais que fait-elle parmi les internées ? Lilian n’a jamais montré de signe de démence, elle était intelligente et loin de la jeune fille écervelée que décrit son dossier. 

Ce roman démontre de façon glaciale la manière dont étaient traitées les femmes dans ce genre de structure. L’avilissement, l’humiliation, les mauvais traitements qu’elles subissaient. L’emprise des hommes, des plus riches aussi avec ce besoin d’enfermer ces femmes dites faibles d’esprits pour ne surtout pas les laisser se reproduire.

Nettleton State Village cache quelques secrets, que Mary compte bien mettre en plein jour. J’ai trouvé son personnage assez ambivalent : dans le déni, presque niaise, elle n’a pas hésité pourtant à se montrer courageuse et à prendre des risques pour les autres. Une fiction historique bien ancrée dans le réel, celui d’un passé bien sordide. 

(Laure) J’ai beaucoup aimé ce roman, un roman d’ambiance typique, où l’intrigue se resserre peu à peu autour de nos protagonistes pour livrer un final trépidant auquel je ne m’attendais pas ! Une vraie bonne surprise.

Après une enfance à l’orphelinat puis chez sa tante, Mary est heureuse le jour où elle peut s’échapper vers un poste prometteur : secrétaire auprès du Dr Agnès Vogel, directrice du Nettleton State Village. Il s’agit d’une institution où sont placées les femmes faibles d’esprit en âge de procréer. Le but est clair : il ne faut pas qu’elles se reproduisent, augmentant ainsi la population de personnes faibles d’esprit. Dès leur ménopause, elles peuvent retourner à une vie normale. Le lecteur comprend immédiatement l’horreur de ce procédé eugéniste en lequel Dr Vogel croit très fort et pour lequel elle donne des conférences très régulières.

Pour Mary, arrivée sur place, tout semble aller bien, elle se dévoue à sa tâche et nous la découvrons fort naïve. Elle va comprendre peu à peu mais pas aussi vite que nous, lecteurs. Jusqu’au jour où elle croise une internée, Lilian, qu’elle a connue à l’orphelinat. Une jeune femme qui va lui raconter comment elle est arrivée là et éclairer alors tout le processus d’internement de ces femmes. Le pot aux roses est enfin dévoilé, l’action du roman va se mettre en place. Mary est déterminée à rendre sa vie à Lilian.

C’est un roman révoltant car, bien sûr, j’avais immédiatement compris que le diagnostic réservé à ces femmes faibles d’esprit est très largement usurpé. A cette époque, les femmes n’étaient rien, n’avaient aucune éducation à la sexualité mais étaient en permanence jugées et maltraitées à ce sujet. Les hommes se permettaient cela de par leur place de « sexe fort » et abusaient clairement du fait que ce sont les femmes qui portent la vie pour décider qu’il fallait isoler celles dont la vie n’était pas socialement acceptée. Et si l’on peut ici s’agacer de la grande naïveté de Mary, elle est aussi très réaliste et révélatrice des femmes de son époque. C’est un roman qui éclaire un triste pan de l’histoire de la condition féminine mais aussi un roman qui bouge les codes et où une héroïne via une héroïne qui fera en sorte de sauver son amie. Ann Leary nous réserve un final plein de rebondissements que j’ai adoré !

(Merci aux éditions Faubourg Marigny pour cette lecture)

A vos claviers !